Environmental Justice and Cultural Resistance:
Africa and Polynesia
UA-CNRS Global Grand Challenges
University of Arizona, Tucson
September 3-7, 2024


Please note: This conference will have the talks in French; Slides in English; Q/A in French and English
Version française ici
As part of the concluding phase of our UA-CNRS Global Grand Challenges grant on Environmental Justice and Cultural Resistance in Africa, Phyllis Taoua (PI at UA) will host a mini-conference at the University of Arizona from September 3-7, 2024. The most important contribution our team’s research makes is to show how culture operates and the vital role cultural resistance plays in moving forward differently. As our environment is increasingly endangered, literature and popular culture are playing a vital role in raising awareness and shifting the terms of the debate. Many of the environmental crises in Africa today are not of their own making, most derive from extraverted economies of colonial extraction and climate change due to industrial pollution elsewhere. Our team has explored how African actors resist environmental injustice through cultural expression. Our team will meet to share results from our grant and present research together in keeping with expectations associated with the grant. A main objective for the conference will be to allow our two doctoral students to present work from their dissertations funded by the grant: Margaux Vidotto at the CNRS (France) and Clara Randimbiarimanana at the University of Arizona (USA). The PIs and co-PIs on the grant will also present their current research at the conference in addition to two guests: Maëline Le Lay from CNRS (France) and Richard Watts from the University of Washington, Seattle, (USA). We have expanded our geographical scope to include Polynesia at this meeting to offer another point of comparison in a critical region. The conference is open to the campus community, in particular teams with the International Research Laboratory iGlobes, the France-Arizona Institute as well as colleagues, students and staff in departments across campus. We thank our sponsors for the conference: International Laboratory iGlobes, France-Arizona Institute (FAI), Department of French and Italian, College of Humanities (COH), School of Anthropology and Africana Studies.
The presentations will take place in N604 in the ENR2 building at 1064 E Lowell St, Tucson, AZ 85721.
I. LITERARY WRITING AND ECOLOGY
Sept. 3 | 9-10 am | Catered breakfast for presenters.
Sept. 3 | 10-11 am | Xavier Garnier, professor, Sorbonne Nouvelle, « Quand les profonds demandent justice ! Énonciations souterraines et radicalité manifestaire dans La Dissociation de Nadia Yala Kisukidi »
Sept. 3 | 11-12 pm | Margaux Vidotto, doctoral candidate, CNRS, « Énergie littéraire, énergie des barrages : vers une corésistance éco-logique » (Nile and Zambezi)
Sept. 3 | 12-1 pm | Catered lunch for presenters ; closed-door feedback for Margaux.
II. OPENING RECEPTION
Sept. 3 | 3-5 pm | ENR2 rooftop. UA community. Appetizers, beer and wine, live music by Jaliya. Remarks by Phyllis Taoua, Carine Bourget, Alain-Philippe Durand, Régis Ferrière.
III. ENVIRONMENTAL PROTECTION : ISLANDS AND WETLANDS
Sept. 4 | 9-9:45 am | Catered breakfast for presenters.
Sept. 4 | 9:45-11 pm | Richard Watts, professor, University of Washington, Seattle, “ ‘La vie, malgré tout’ : l’eau, les arts, et ‘l’aménagement du territoire’ à l’ère du changement climatique” With a preview screening of documentary film project currently underway. (Mauritania)
Sept. 4 | 11-12 pm | Clara Randimbiarimanana, doctoral candidate, Univeristy of Arizona, « Injustices bleues : examen des impacts des efforts de conservation marine et aquaculture dans le sud-ouest de Madagascar »
Sept. 4 | 12-1 pm |Catered lunch for presenters ; closed-door feedback for Clara.
Sept. 4 | 1-2 pm | Maëline Le Lay, researcher, CNRS, « De Henri Hiro à Jean-Marc Tera’ituatini Pambrun, un sillon de résistance culturelle et de défense de ‘l’environnement’ au Fenua » (French Polynesia)
IV. FORMS OF ENGAGEMENT
Sept. 5 | 9-10 am |Catered breakfast for presenters.
Sept. 5 | 10-11 am | Elara Bertho, researcher, CNRS/LAM, « Pour une théorie de l’habiter. Une exploration écocritique à travers les textes de Senghor à Felwine Sarr » (Senegal)
Sept. 5 | 11-12 pm | Aurélia Mouzet, professor, University of Arizona, « Pour une critique littéraire écoartistique »
Sept. 5 | 12-1 pm |Catered lunch for presenters.
Sept. 5 |1-2 pm | Phyllis Taoua, professor, University of Arizona, « Mouvements citoyens et la question écologique » (Senegal, Burkina Faso, RDC)
V. EXCURSIONS FOR THE TEAM
BIOSPHERE 2
Sept. 6 | 9-1 pm | leave from UA main campus; two-hour private tour of Biosphere 2 facility for our group hosted by John Adams; return to UA main campus. The world’s largest controlled environment dedicated to understanding the impacts of climate change.
SITE VISITS
Sept. 7 | 9-6 pm | leave from UA main campus; field trip to relevant ecological sites in Southern Arizona related to mining and resource extraction; Santa Cruz river management and human settlement in the region; building wall on southern border with Mexico.
EN FRANÇAIS
Justice environnementale et résistance culturelle:
l’Afrique et la Polynésie
Université d’Arizona, Tucson
3 au 7 septembre, 2024
Dans le cadre de la phase finale de notre bourse « UA-CNRS Global Grand Challenges sur la justice environnementale et la résistance culturelle en Afrique », Phyllis Taoua (Directrice principale du projet pour l’Université d’Arizona) organisera une mini-conférence à l’Université d’Arizona du 3 au 7 septembre 2024. La contribution la plus importante de notre recherche est de montrer comment la culture fonctionne et le rôle vital que joue la résistance culturelle pour aller de l’avant différemment. Alors que notre environnement est de plus en plus menacé, la littérature et la culture populaire jouent un rôle crucial dans la sensibilisation et la modification des termes du débat. Aujourd’hui, la plupart des crises environnementales qui frappent l’Afrique ne sont pas le fait des Africains eux-mêmes, mais découlent de pratiques économiques extractivistes, souvent issues de la colonisation, et du changement climatique dû à la pollution industrielle d’autres régions du monde. Notre équipe a étudié la manière dont les acteurs africains résistent à l’injustice environnementale par le biais de l’expression culturelle. Elle se réunira pour partager et présenter les résultats de ses travaux, conformément aux attentes associées à la bourse. L’un des principaux objectifs de cette conférence sera de permettre à nos deux doctorantes de présenter les travaux de leurs thèses financées : Margaux Vidotto au CNRS (France) et Clara Randimbiarimanana à l’Université d’Arizona (USA). Les directeurs principaux et co-directeurs du projet, ainsi que deux invités, Maëline Le Lay du CNRS (France) et Richard Watts de l’Université de Washington, Seattle, (USA), présenteront également leurs travaux de recherche récents lors de la conférence. Nous avons élargi notre champ géographique pour inclure la Polynésie lors de cette réunion afin d’offrir un autre point de comparaison dans une région sous tension. La conférence est ouverte à la communauté universitaire, en particulier les équipes du Laboratoire International de Recherche Iglobes, l’Institut France-Arizona ainsi que l’ensemble des collègues, étudiants et personnel des départements du campus. Nous remercions nos sponsors: le Laboratoire International Iglobes, l’Institut France-Arizona, le Département de Français et d’Italien, le Collège des Humanités (COH), l’École de l’Anthropologie et les Étudies Africanistes.
Les présentations auront lieu dans la salle N604 du bâtiment ENR2, 1064 E Lowell St, Tucson, AZ 85721. Diapositives en anglais ; exposés en français ; questions/réponses en français et en anglais.
I. ÉNONCIATIONS ET ÉCOLOGIE
3 sept. | 9-10h | Petit déjeuner pour les intervenants.
3 sept. | 10-11h | Xavier Garnier, professeur, Sorbonne Nouvelle, « Quand les profonds demandent justice ! Énonciations souterraines et radicalité manifestaire dans La Dissociation de Nadia Yala Kisukidi »
3 sept.| 11-12h | Margaux Vidotto, doctorante, CNRS, « Énergie littéraire, énergie des barrages : vers une corésistance éco-logique » (Nil et Zambèze)
3 sept. | 12-13h | Déjeuner pour les intervenants ; retours et commentaires à huis clos pour Margaux.
II. CÉRÉMONIE D’OUVERTURE
3 sept. | 15h-17h | ENR2 rooftop. Communauté de l’Université Arizona. Amuse-bouche ; bière et vin ; musique live par Jaliya. Remarques préliminaires de Phyllis Taoua, Carine Bourget, Alain-Philippe Durand, Régis Ferrière.
III. LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT : ÎLES ET ZONES HUMIDES
4 sept. | 9h-9h45 | Petit déjeuner pour les intervenants.
4 sept. | 9h45-11h | Richard Watts, professeur, Université de Washington, Seattle, « La vie, malgré tout » : l’eau, les arts, et « l’aménagement du territoire » à l’ère du changement climatique » Avec une projection en avant-première d’un projet de film documentaire qui est en cours. (Mauritanie)
4 sept. | 11-12h | Clara Randimbiarimanana, doctorante, Université d’Arizona, « Injustices bleues : examen des impacts des efforts de conservation marine et aquaculture dans le sud-ouest de Madagascar »
4 sept. | 12-13h | Déjeuner pour les intervenants; retours et commentaires à huis clos pour Clara.
4 sept. | 13-14h | Maëline Le Lay, chargée de recherches, CNRS, « De Henri Hiro à Jean-Marc Tera’ituatini Pambrun, un sillon de résistance culturelle et de défense de ‘l’environnement’ au Fenua (Polynésie française) »
IV. FORMES D’ENGAGEMENT
5 sept.| 9-10h | Petit déjeuner pour les intervenants.
5 sept. | 10-11h | Elara Bertho, chargée de recherches, CNRS/LAM, « Pour une théorie de l’habiter. Une exploration écocritique à travers les textes de Senghor à Felwine Sarr » (Sénégal)
5 sept.| 11-12h | Aurélia Mouzet, professeure, Université d’Arizona, « Pour une critique littéraire éco-artistique »
5 sept. | 12-13h | Déjeuner pour les intervenants.
5 sept.| 13-14h | Phyllis Taoua, professeure, Université d’Arizona, « Mouvements citoyens et la question écologique » (Sénégal, Burkina Faso, RDC)
V. EXCURSIONS POUR L’ÉQUIPE
BIOSPHÈRE 2
6 sept. | 9-13h | départ du campus principal de l’Université d’Arizona ; visite privée de deux heures des installations de Biosphère 2 pour notre groupe, animée par John Adams ; retour au campus. Le plus grand environnement contrôlé au monde dédié à la compréhension des impacts du changement climatique.
VISITES DE SITES
7 sept. |9-18h | départ du campus principal de l’Université d’Arizona ; visite de sites écologiques pertinents dans le sud de l’Arizona, liés à l’exploitation minière et à l’extraction des ressources ; gestion du fleuve Santa Cruz et établissement humain dans la région ; construction d’un mur à la frontière sud avec le Mexique.
Elara Bertho
CNRS, France
e.bertho@sciencespobordeaux.fr
POUR UNE THÉORIE DE L’HABITER. UNE EXPLORATION ÉCOCRITIQUE À TRAVERS LES TEXTES DE SENGHOR À FELWINE SARR
Habiter : la rentrée littéraire de l’automne 2024 proposera dans quelques mois de multiples explorations de ce terme – Malcom Ferdinand va faire paraître un ouvrage sur l’habiter décolonial à partir du scandale de la chlordécone ; Michel Lussault proposera une lecture de la notion de co-habiter dans nos métropoles contemporaines ; Laurent Demanze explorera l’habiter littéraire contemporain. Tandis que l’effondrement a déjà eu lieu, que les liens au vivant se font de plus en plus précaires, que l’anthropocène et le capitalocène font advenir des déliaisons de plus en plus destructrices, comment concevoir un habiter qui ne soit pas strictement utopique ? Une nature qui ne soit pas exotiquement autre ? Quels liens les lieux tissent-ils avec nos imaginaires ?
De Léopold Sédar Senghor à Felwine Sarr, une école sénégalaise de poésie s’est attachée à décrire les paysages, les lieux, les sources, les forêts, mais aussi les villes, les ports, les routes. Cette école que je propose de décrire, si elle est sénégalaise, ne s’attache pas strictement à la description du Sénégal : Orléans, New York, Kigali sont autant de points d’ancrages d’une poétique des lieux où l’habiter joue un rôle fondamental, que je propose d’explorer.
Elara Bertho est chargée de recherches au CNRS, au sein du laboratoire LAM (Les Afriques dans le Monde, UMR 5115), à Bordeaux, en France. Elle est actuellement fellow du centre de recherches Käte Hamburger sur les pratiques culturelles de réparation, à Sarrebruck, en Allemagne. Elle a écrit notamment Sorcières, tyrans, héros (Champion, 2019), Essai d’histoire locale de Djiguiba Camara. L’œuvre d’un historien guinéen à l’époque coloniale (Brill, 2020), Senghor (PUF, 2023). Elle dirige la collection Lettres du Sud de Karthala et participe aux comités des revues Etudes Littéraires Africaines ; Multitudes ; Cahiers de Littérature Orale.
Xavier GARNIER
Sorbonne Nouvelle, France
xavier.garnier@sorbonne-nouvelle.fr
QUAND LES PROFONDS DEMANDENT JUSTICE ! ÉNONCIATIONS SOUTERRAINES ET RADICALITÉ MANIFESTAIRE DANS LA DISSOCIATION DE NADIA YALA KISUKIDI
La notion de « profonds » a été proposée par l’écrivain martiniquais Édouard Glissant pour rendre justice à l’expérience concrète de lieux du monde qui ne sauraient se réduire à leur mise en image exotique. S’appuyant sur l’imaginaire volcanique de la Caraïbes où les volcans « correspondent souterrainement entre eux, par des sortes de coulées de lave qui sont les autoroutes de leur puissance et de leur débordement », invite à saisir « ce qu’il y a réellement, concrètement, en dessous de l’apparence ». Dans son roman La dissociation (2022), Nadia Yala Kisukidi explore l’envers du décor de la France contemporaine depuis les fissures, les brèches, les galeries souterraines pour y puiser une énergie révolutionnaire. Le peuple de l’ombre ne se dissimule pas dans le décor pour se faire oublier, il se camoufle de façon offensive dans les plis du réel et tire de ce contact avec les profonds une radicalité qui lui sert à poser des actes de résistance.
Xavier Garnier est Professeur de littérature à l’université de la Sorbonne Nouvelle et membre senior de l’Institut Universitaire de France. Ses recherches portent sur les littératures africaines, la théorie du roman, la géocritique et l’écopoétique. Il s’intéresse en particulier à l’évolution des formes narratives dans le roman africain de l’époque coloniale à nos jours et porte actuellement un projet de « Cartographie écopoétiques des littératures africaines ». Il dirige la collection « Francophonies » aux éditions Honoré Champion.
Maëline Le Lay
CNRS, France
DE HENRI HIRO À JEAN-MARC TERA’ITUATINI PAMBRUN, UN SILLON DE RÉSISTANCE CULTURELLE ET DE DÉFENSE DE ‘L’ENVIRONNEMENT’ AU FENUA (POLYNÉSIE FRANÇAISE)
La célébration nationale dont fait l’objet, cette année en Polynésie française (Ma’ohi Nui), le poète Henri Hiro, prématurément disparu et qui aurait eu 80 ans en 2024 – n’est pas que littéraire. Si Hiro est devenu héros national, c’est tant pour sa poésie essentiellement écrite en reo Tahiti que pour son action politique, aussi courageuse qu’elle était isolée, de protestation en 1980 contre les premiers essais nucléaires dans les premières années de développement du CEP (Centre d’Expérimentation du Pacifique). Écrivain, anthropologue et essayiste de l’après-CEP, Jean-Marc Tera’ituatini Pambrun, s’inscrivant dans son sillage politique et littéraire, axera lui son militantisme sur l’aménagement touristique de Tahiti, et écrira toute son œuvre en français. Pour diffuser leurs pensées respectives, l’un et l’autre n’auront eu de cesse de performer et de matérialiser ce que Pambrun appelait “La Tradition” portée par l’oralité ma’ohi à travers des pièces de théâtre et des films mais aussi des livres, la constitution d’une archive écrite, la fondation d’un musée… Parce qu’ils n’ont pas écrit leurs textes à la même époque et parce que leurs trajectoires biographiques, quoique convergentes par endroits, différaient dans leur éducation première (l’un était un tahitien autochtone, élevé en reo Tahiti ; l’autre un ‘demi’ tahitien et français, élevé d’abord en France et en français), leurs textes ne sont pas mus par la même énergie. Pour autant on peut discerner dans leur œuvre littéraire une poétique du toponyme qui les rassemble et rend d’autant plus évidente une lecture écocritique de la littérature polynésienne dont ils sont deux éminents représentants.
Maëline Le Lay est chargée de recherche CNRS au laboratoire THALIM (Sorbonne Nouvelle/INHA). Elle est membre du comité de rédaction des revues Études Littéraires Africaines et Cahiers d’Études Africaines, membre du comité éditorial de la collection “Afrique(s)” des éditions de la Fondation Maison des Sciences de l’Homme, et directrice de la collection “AfricaE Gems” aux éditions AfricaE (collection en cours de lancement). Elle a lancé en 2022 un chantier de recherche en écocritique en Polynésie française qu’elle mène parallèlement à sa recherche sur la littérature et le théâtre dans l’Afrique des Grands Lacs (RD Congo, Rwanda, Burundi).
Aurélia Mouzet
Université d’Arizona, États-Unis
POUR UNE CRITIQUE LITTÉRAIRE ÉCOARTISTIQUE
Réfléchir aux liens qu’entretiennent littératures africaines et écologie ne peut faire l’économie d’une réflexion plus large portant sur le rôle que peuvent jouer la littérature et la critique littéraire face aux bouleversements climatiques. Penser l’écologie avec l’Afrique exige de la part des chercheurs occidentaux d’interroger le vocabulaire qu’ils emploient et leurs outils épistémologiques. Pour bâtir ensemble demain, il nous faut décoloniser non seulement les savoirs, mais aussi et peut-être surtout les esprits. Bien qu’ils aient été relégués au rang de superstitions par l’imaginaire colonial, les mythes ancestraux africains n’en sont pas moins la source de connaissances potentiellement utiles face à l’urgence climatique. Pour l’historien et politologue Achille Mbembe, auteur de La communauté terrestre (2023), les cosmogonies africaines « sont là en réserve pour penser la crise écologique » et « peuvent […] inspirer de nos jours la quête ici et là d’un monde habitable parce qu’ouvert à tous ». De nombreux écrivains africains contemporains interrogent ainsi, à travers leurs œuvres, l’état d’urgence climatique en puisant dans l’imaginaire des mythes. Il s’agira, dans le cadre de cette intervention, d’expliciter ce que j’entends par « critique littéraire écoartistique », et de voir, à partir d’exemples, comment mon concept et ma méthode peuvent être appliqués à la lecture de romans africains au sein desquels affleure une conscience écologique.
Aurélia Mouzet est Associate Professor en études francophones à l’université d’Arizona. Elle est l’autrice de Moïse et la Terre promise. Le mythe et les imaginaires de l’Atlantique noir (2023). Elle s’intéresse aux flux d’échanges culturels entre l’Afrique subsaharienne et ses diasporas. Ses recherches portent notamment sur les liens qu’entretiennent mythes, religions et politique au sein des imaginaires de l’Atlantique noir. Comparatiste, artiste et activiste, elle travaille actuellement à l’élaboration d’une série documentaire visant à mettre en lumière l’impact du racisme anti-Noirs sur les individus et les familles, et ce, de part et d’autre de l’Atlantique.
Clara Randimbiarimanana
Université d’Arizona, États-Unis
INJUSTICES BLEUES : EXAMEN DES IMPACTS DES EFFORTS DE CONSERVATION MARINE ET AQUACULTURE DANS LE SUD-OUEST DE MADAGASCAR.
Avec le déclin des stocks de poissons et l’impact du changement climatique sur les pêcheurs traditionnels à Madagascar, les programmes financés par le gouvernement et les ONG ont promu des initiatives d’économie bleue. Ces initiatives, en parallèle avec les efforts de conservation, visent à optimiser les moyens de subsistance alternatifs pour les pêcheurs artisanaux et à réduire les pratiques de pêche néfastes. Mais malgré les avantages de ces initiatives, certaines se traduisent également par des injustices appelées « injustices bleues » par les spécialistes de la justice environnementale. En m’appuyant sur mon travail de terrain mené dans onze communautés vivant à proximité et au sein des aires marines protégées du sud-ouest de Madagascar, j’ai pu constater que la mise en œuvre de l’élevage de concombres de mer et des réserves de poulpes a permis de progresser vers leur objectif économique. Cependant, ces initiatives ont aussi accru les injustices envers les pêcheurs qui ont été exclus du processus de prise de décision sur l’utilisation des espaces marins et des ressources écologiques qui étaient autrefois gérés localement avec leurs lois culturelles. Le développement de ces projets engendre également des tensions culturelles et laisse les populations locales se sentir exclues du processus de réalisation, compromettant ainsi leur capacité à participer pleinement. Ma présentation explore donc ces initiatives environnementales et la manière dont elles s’inscrivent dans des discussions plus larges sur les (in)justices bleues concernant le processus et l’inclusion, l’exclusion et la dépossession, que ce soit sur le plan physique, culturel ou économique.
Clara Randimbiarimanana est doctorante en anthropologie socioculturelle et appliquée à l’Université d’ Arizona. Elle est particulièrement intéressée par le développement participatif, la pêche traditionnelle, l’écologie politique et la justice environnementale africaine. Dans son projet actuel, elle explore l’écologie politique des pêches traditionnelles dans le sud-ouest de Madagascar et les communautés du Sénégal, centré sur les connaissances et l’engagement locales.
Phyllis Taoua
Université d’Arizona, États-Unis
MOUVEMENTS CITOYENS ET LA QUESTION ÉCOLOGIQUE
Les questions écologiques figurent parmi les préoccupations principales des mouvements citoyens en Afrique depuis les années 2010. Pour les citoyens engagés qui mènent des luttes au sein des mouvements tels que Y’en a marre au Sénégal, le Balai citoyen au Burkina Faso et la LUCHA en République Démocratique du Congo les questions de justice sociale et d’écologie sont indissociables. On verra que les revendications pour la redevabilité et la bonne gouvernance sont souvent motivées par la volonté du peuple de gérer ses propres ressources naturelles. Quand les gouvernements africains n’avancent pas une politique écologique responsable, c’est le peuple qui souffre. On verra que la pêche industrielle sur la côte atlantique au Sénégal, l’économie extractiviste dans les mines au Sahel et en RDC, en plus de la vente aux enchères de la forêt équatoriale, sont des zones d’extraction au profit des puissances étrangères. Les conséquences de cette injustice sont graves : elles contribuent directement à la migration clandestine et aux luttes armées. On verra également que des anciens pouvoirs coloniaux (la France) et leurs alliés (les États-Unis) ont été récemment chassés des territoires africains au nom du ras-le-bol populiste. Les enjeux devant nous sont sérieux et pour le peuple africain et pour notre planète. Nous entrons dans une phase de recalibration de notre discours sur l’Afrique et sur nos responsabilités partagées pour un meilleur avenir. Dans l’élaboration de mon argument, je m’appuierai sur les interventions de Souleymane Bachir Diagne, Felwine Sarr, Youssou Mbargane Guissé et sur les paroles de chanson par Thiat, Xuman, Awadi, Smockey et Tiken Jah Fakoly.
Phyllis Taoua est professeure d’études francophones à l’université d’Arizona, Tucson, où elle est affiliée à trois programmes (études afro/africaines, droits humains, recherche pluridisciplinaire sur l’art engagé). Elle se spécialise dans les domaines de la littérature africaine et de sa diaspora et du cinéma africain. Son projet de recherche actuel porte sur le rôle de la culture dans les mouvements citoyens en Afrique aujourd’hui. Elle édite une archive audiovisuelle qui recense les différentes significations du concept de « liberté » dans des langues africaines. Ses publications incluent des monographies African Freedom et Forms of Protest; des numéros spéciaux sur « La liberté dans la littérature africaine et de la diaspora » (JALA 17.1), Sony Labou Tansi (RAL 31.3), Ousmane Sembène (ELA 30) et Mongo Beti (ELA 42) ; ainsi que de nombreux articles. Elle est juriste pour le prix du meilleur livre en Études Africaines (Modern Languages Association, MLA) et pour les bourses de recherches en Études Africaines (National Endowment for the Humanities, NEH).
Margaux Vidotto
Sorbonne Nouvelle, France
margaux.vidotto@sorbonne-nouvelle.fr
ÉNERGIE LITTÉRAIRE, ÉNERGIE DES BARRAGES : VERS UNE CORÉSISTANCE ÉCO-LOGIQUE
Que peut la littérature quand des immensités naturelles et des cultures entières sont englouties sous les eaux ? Quand nous posons cette question, à la lumière des aménagements hydrauliques imposés dans la Vallée du Nil et du Zambèze au cours de la deuxième moitié du XXème, nous refusons de nous contenter des réponses classiques : plaire, émouvoir, raconter. En effet, la littérature a le pouvoir de définir des modalités alternatives de sensations et d’engagements. Les déplacements des populations, la délocalisation de la faune ainsi que l’ennoiement des monuments historiques et des lieux de culte ont (r)éveillé diverses formes d’engagements : des luttes, la création d’associations, des chants, des œuvres… Ainsi, partagée entre contestation, solidarité et inertie, l’énergie de la littérature s’exerce en tant que vivacité et en tant que force. Par la première, la littérature s’attache à rendre visible ce qui se joue sur le terrain et dans la réalité, par la seconde elle révèle la puissance de la création, de l’écriture et de la lecture. Il s’agira, dans le cadre de cette intervention, d’examiner, comme l’explique Emmanuel Bouju dans Pouvoir de la littérature (2019) : le pouvoir, la puissance et la force déployés dans et par les récits face à l’énergie hydroélectrique. À travers différentes œuvres de notre corpus et nos expériences de terrain, nous réfléchirons aux liens qui unissent les littératures et l’écologie et composent une corésistance éco-logique, par le prisme de l’énergie.
Margaux Vidotto est étudiante en troisième année de doctorat de littérature comparée au sein du laboratoire THALIM (Sorbonne / CNRS), à Paris. Après un master en Études Écologiques à l’Université Paris Saclay et en master Lettres Modernes à la Sorbonne Nouvelle, sa thèse porte sur l’impact des barrages hydroélectriques dans les littératures, notamment le Haut-Barrage d’Assouan (Égypte) et le barrage de Kariba (frontière Zambie/Zimbabwe).
Richard WATTS
Université de Washington, Seattle, États-Unis
« LA VIE, MALGRE TOUT » : L’EAU, LES ARTS, ET « L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE » À L’ÈRE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Achille Mbembe note dans La communauté terrestre (2023) que « les sociétés africaines antiques étaient des sociétés ouvertes, plurielles et en mouvement. À examiner leurs arts et techniques, on est frappé par l’importance qu’y tenait la thématique de la réfection du monde en tant qu’activité permanente » (256-7). Comme le souligne Mbembe, à une époque où le monde se dégrade à une vitesse effarante, ce modèle de réfection prend une tout autre importance. Le projet de film documentaire « Tambass : La vie, malgré tout » se focalise sur les tentatives d’une communauté de Haalpulaar’en dans le sud de la Mauritanie de vivre avec des changements hydrologiques majeurs et de découvrir des possibilités d’action et de réparation en dialogue avec des artistes mauritanien.nes. Développé en partenariat avec la communauté autour de Tambass et le cinéaste Abderrahmane Sissako et la scénariste Kessen Tall, le film comprend des interviews de membres de la communauté et d’artistes réagissant à la fois à la crise climatique mondiale et à l’assèchement intentionnel de la zone humide de Tambass. Le film tâche de faire le lien entre le travail d’acteurs culturels mauritaniens qui mettent la justice environnementale, raciale, sociale et du genre au centre de leur pratique et les expressions complexes des membres de la communauté pulaar de créativité et de survie au milieu de la perte, tout en explorant les possibilités d’action et de réparation pertinentes pour les communautés du monde entier.
Richard Watts est professeur de français, co-créateur du programme d’études Environments, Cultures et Values, et co-fondateur du Translation Studies Hub à l’Université de Washington, Seattle. Il est l’auteur de Packaging Post/Coloniality: The Manufacture of Literary Identity in the Francophone World ainsi qu’une série d’articles sur les intersections entre les études postcoloniales francophones et les humanités environnementales. Depuis 2022, il a produit deux court-métrages documentaires et termine actuellement un projet de livre intitulé Reclaimed Waters: Literary History, Translation, and Resource Decolonization in the Francophone Post/colonial World.